EXTRAIT DE MON OUVRAGE "IKANGA, LE GUERRIER DU FEU"

Publié le 19/09/2011 à 20:00 par jpmvila Tags : mvila nzau écrivain congolais ecrivain roman africain

 

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Un sourire aux lèvres, Nkanga accusa sa

satisfaction. Il coupa une branche d’une autre plante,

d’une longueur de trente centimètres à peu près. Et

tailla son extrémité au point de la rendre pointue.

Sa sagaie pointée au sol, il tenait entre ses mains la

tige taillée. Il roula ses pommes sur elle de manière à

décrire un mouvement giratoire sur le bout de bois.

La partie pointue de la tige s’enfonçait dans l’écorce

du vieil arbre centenaire, par ces mouvements

circulaires. Seule la sagesse de la forêt pouvait

amener le druide de Bompom-Pom devant cet arbre

séculaire.

– Impoli mpompo, mpompo ! Impoli mpompo,

mpompo !

À chaque manoeuvre du druide sur l’écorce de

l’arbre, que seuls les scientifiques peuvent le décrire

et le nommer, il prononçait cérémonieusement ces

paroles, en formule de sorcier au travail.

L’arbre percé, un jus jaillit de son écorce. Après un

temps ce fut un flot de sa sève qui coulait de

l’entaille. Pendant que jaillissait la substance

convoitée par le druide ; ce dernier alla chercher des

feuilles tendres, une quantité raisonnable, et retourna

auprès de son arbre. À son retour, la sève s’est

endurcie en contact avec l’air. Il prit son bâton pointu

avec lequel il se servit pour meurtrir l’arbre. Il tira

une certaine quantité de la résine, qu’il mit

soigneusement sur les feuilles évitant tout contact

avec la substance très toxique. Nkanga prit une tige

rampante qui était souple, et s’en servit pour lier les

feuilles, et en fit un manche qu’il tint

respectueusement à une vingtaine de centimètres. Il

marcha avec mille précautions, évitant d’être en

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contact avec ce paquet contenant un poison mortel et

virulent.

Son chemin de retour vite parcouru, il alla déposer

sa bombe en lieu sûr. Le poison respectueusement

attachait sur une branche, derrière sa case, n’attendait

d’être mélangé avec d’autres mixtures selon une

technique que seuls les sorciers africains, initiés dans

l’art d’empoisonner, pouvaient connaître le secret !

Il tira une flèche dans son arsenal. C’est une de ces

armes qui en pénétrant la chair en ressortaient

péniblement, à moins de faire éclater la chair de sa

victime. Il l’introduit dans la casserole où il avait

préparé sa mixture. Chaque fois qu’il enfonçait une

flèche dans le mélange, il la passait sur le feu pour

que le poison se fixe sur le métal. Avec un regard de

joie, il regardait son arsenal plein de ces éléments

meurtriers.

Pendant qu’il était en plein ouvrage, l’un des

conjurés, le vieux Songo vint le rendre visite. Il lui

désigna un escabeau par le geste de main, tout en

gardant le silence. Celui-ci tout en observant le

féticheur en train de façonner l’engin de la mort, qui

ôtera la vie à celui qui hier, aux yeux de la

communauté, fut un héros !

Après avoir terminé sa besogne, Nkanga salua son

complice : « Osemo ! »

– « Sango na » ! Répondit ce dernier, pour

exprimer que tout va bien dans sa vie.

Les bantous se saluent toujours en demandant :

Quelle nouvelle ! Cherchant à connaître si elle est

bonne ou mauvaise. Sinon généralement, c’est

l’expression : Bonne chose, « mboté » qui soit plus

utilisée.

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– Voilà, je viens de terminer le travail. Il lui

présenta la casserole par sa main droite ; d’un autre

geste de cette même main, il exhiba avec un sourire

propre aux meurtriers, les flèches empoisonnées et les

mixtures.

– Je vois que ceci sera virulent, commenta Songo.

– Oui, très virulent ! J’ai utilisé une formule que

les pygmées utilisent pour tuer un éléphant ou un

buffle.

– Allons-nous laisser le débile en vie ? Demanda

de nouveau Songo.

– Que veux-tu dire par là ?

– Pour moi, il ne faut pas qu’il y ait une trahison

un jour !

– Oui, remarqua Nkanga ! Je connais notre devise :

« Ni vus, ni connus ! » C’est simple, dit-il.

Plongé dans une très intense réflexion. Nkanga

plongea l’empenne faite des plumes rouges, qui

garnissaient le talon de la flèche dans la mixture. Il la

badigeonna davantage dans l’onction de la casserole,

tout en continuant :

– Laisse-moi faire ! Cette histoire est une affaire

des grands, les petits ne doivent pas s’en mêler et

surtout pas un démuni mental.

*

* *

Ikanga n’avait aucune prétention que la mort

l’attendait à sa porte. Aucun pressentiment de sa

condamnation à la mort subite n’envahissait son

esprit. Il fut rendu vedette par des chansons

composées par des enfants du village. Les adultes de

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leur côté, avec leurs orchestres folkloriques, lui

dédiaient des airs faisant éloge de ses exploits et de

ses prouesses. Ces groupes peignaient les étapes de sa

pérégrination au pays batwa. Ces vers élogieux

devenus des ballades populaires pour enfants, dans

leurs jeux ; rimés par les femmes quand elles sont

dans leurs besognes, sifflés par les hommes en

ouvrage et chantés par le village entier ! C’est cela

qui fut à la base de sa condamnation, due à la simple

jalousie des conjurés, parce que cela pourrait

corrompre la mentalité et les moeurs du milieu.

Notre héros s’était réconcilié avec Mola son

épouse, qui a compris le pourquoi de l’agissement de

son mari au pays batwa. N’eut été cet acte, le feu

n’allait pas revenir dans les foyers des femmes

bantoues. Ikanga pour elle, n’a rempli que son devoir

civil et moral ! D’avance, lui-même n’était pas

devenu une termitière comme disait la légende de sa

communauté : Que les pygmées sont des termitières.

Car il est dit aussi : Quiconque vivra avec les batwas

deviendra comme eux. Or, il est objet des hommes

comme tout le monde : des pygmées, peuple

pacifique, vivant dans la jungle, mais étant humains !

Ce ne sont pas des termitières, qu’on trouve dans la

vallée auxquels les « bilimas » – les esprits de la

forêt, ont donné la vie. Pendant la nuit, elle avait

acquis l’habitude de scruter le corps de son mari,

quand ce dernier était plongé dans un sommeil

profond. Elle cherchait à voir si Ikanga, quelque part,

sur son corps, une malformation ou une tumeur ne se

présentait pas sur son corps athlétique.